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Les micronutriments sont des éléments essentiels utilisés en petites quantités par les plantes. Pour la plupart des micronutriments, la culture en absorbe moins d’une livre par acre. Malgré ces faibles exigences, un manque de micronutriments limitera des fonctions essentielles de la plante. Cela conduira à des anomalies, à une croissance réduite et à des rendements moindres. Dans de telles situations, les intrants requis en grande quantité comme l’azote et l’eau peuvent être gaspillés. Surtout si une déficience en micronutriments limite le potentiel de rendement. Ce numéro de Vision cultures traitera des besoins généraux en micronutriments, des symptômes de carence, de l’échantillonnage du sol et des plantes, ainsi que des pratiques de fertilisation.
Seize éléments sont essentiels à la croissance des plantes cultivées (Figure 1). L’air fournit deux d’entre eux, le carbone et l’oxygène. L’hydrogène provient de l’eau du sol. La plante extrait les treize autres du sol.
Feuilles de maïs présentant une carence en zinc. Des bordures ou marges vertes entourent la rayure au centre de la feuille.
Ils comprennent deux classes : les macronutriments primaires, les macronutriments secondaires, selon les quantités absorbées et utilisées pour la croissance des plantes. Sept micronutriments (bore, chlore, cuivre, fer, manganèse, molybdène et zinc) sont utilisés en très faibles quantités pour la production végétale (Figure 2).
Figure 1. Sources des seize nutriments essentiels à la production végétale
Figure 2. Éléments nutritifs prélevés par une culture de 300 boiss/acre (Heckman et al., 2003).
Dans la plupart des sols, les sept micronutriments suffisent pour satisfaire les besoins de la culture. Toutefois, les sols légers ou ceux pauvres en matière organique sont naturellement déficients en micronutriments. Il en va de même chez les sols au pH élevé. Ils peuvent rendre les micronutriments moins disponibles et par conséquent déficients. Dans les principaux endroits cultivés en Amérique du Nord, les micronutriments les plus souvent inclus dans la fertilisation sont : le zinc, le manganèse, le bore et le fer. Les propriétés chimiques de base des micronutriments aident à déterminer leur disponibilité dans le sol (Tableau 1).
Tableau 1. Propriétés chimiques des micronutriments
La complexité des réactions chimiques dans le sol ne laisse aucun doute. En bout de piste, la disponibilité des micronutriments dépend de : l’équilibre entre la solution du sol, sa matière organique, les sites d’échange de cations, et les composés insolubles de micronutriments. L’acidité ou l’alcalinité du sol agit fortement sur la séquestration des micronutriments ou sur leur disponibilité aux plantes. Les micronutriments sont généralement plus disponibles dans les sols acides et moins accessibles chez ceux à pH élevé. Le molybdène fait exception, car plus disponible à pH élevé (figure 3).
La matière organique joue le rôle de réservoir de micronutriments essentiels aux plantes. Sa décomposition en fournit constamment aux plantes. Ce réservoir est particulièrement important pour les anions comme le bore. Non liés aux particules du sol, ils sont plus susceptibles à la perte. Les sols qui reçoivent régulièrement un amendement de résidus organiques comme du fumier affichent rarement une déficience en micronutriments. Les carences dues à un déséquilibre des éléments nutritifs constituent une exception. La carence en manganèse causée par un excès de phosphore dans des sols trop fertilisés illustre ce genre de situation. Les sols à teneur extrêmement élevée en matières organiques (terre noire, tourbeuse) font aussi exception. Ces sols donnent lieu à une forte chélation naturelle (la combinaison d’un micronutriment avec une molécule organique). Ce processus peut rendre certains micronutriments indisponibles, notamment le cuivre, le manganèse et le zinc.
Figure 3. Disponibilité relative des micronutriments selon le pH du sol.
Les rendements des cultures s’accroissent continuellement. Plusieurs facteurs y contribuent : améliorations génétiques (tolérance au stress, résistance à la maladie, incorporation de caractères résistants aux insectes), utilisation de traitements de semences et autres produits de protection des cultures. Cela signifie que chaque récolte retire plus de micronutriments du sol. La figure 2 présente les évaluations de prélèvement en nutriments dans le maïs (300 boiss/acre).
Bien que les taux d’élimination des micronutriments augmentent, ils demeurent très faibles par rapport aux macronutriments primaires et secondaires. Dans le maïs à 300 boisseaux/acre, ces taux atteignent plus de 80 lb/acre pour les macronutriments primaires. Le prélèvement en macronutriments secondaires varie de 4 à 22 lb/acre. Celui des micronutriments gravite autour de 0,5 lb/acre ou moins.
Symptômes de déficience en bore dans la luzerne. Celle-ci est l’une des rares cultures qui peuvent bénéficier d’applications de bore si les niveaux deviennent déficients.
Tableau 2. Formes et fonctions des micronutriments disponibles aux plantes2.
Les déficiences en micronutriments peuvent être détectées au moyen de symptômes visuels sur la culture, par des analyses (sol et tissus de la plante). Pour comprendre les symptômes visuels, il est utile de connaître le rôle que joue chaque micronutriment dans la croissance et le développement des plantes.
Les micronutriments diffèrent par la forme sous laquelle ils sont absorbés par la plante, par leurs fonctions et leur mobilité dans celle-ci, et par leurs symptômes caractéristiques de carences ou de toxicité (tableaux 2 et 3).
À l’exception du Mo, les micronutriments sont considérés comme faiblement mobiles ou immobiles dans les plantes. Cela signifie que les symptômes de carence apparaissent d’abord, ou le plus sévèrement, sur les tissus les plus récents de la plante. Dans le cas du molybdène, les symptômes de carence apparaissent d’abord sur les tissus végétaux les plus anciens. Les symptômes varient selon les cultures. Toutefois, le tableau 3 indique les symptômes généraux.
Tableau 3. Symptômes généraux de carence en micronutriments2.
Chlorose ferrique du soya, causée par des sols à pH élevé dans la région de la Black Belt, au centre de l’Alabama. La chlorose ferrique est un trouble complexe des plantes. Elle est associée aux sols à pH élevé et à ceux contenant des sels solubles où les conditions chimiques réduisent la disponibilité du fer.
Habituellement, les déficiences apparaissent en plaques dans les champs. Cela est dû aux variations des propriétés du sol (pH, drainage, et salinité). Celles-ci influent sur la disponibilité des micronutriments. Les différences historiques de gestion (ex. : amendements en fumier) auront aussi un effet. Il importe d’apprendre visuellement à reconnaître les déficiences aux endroits qui posent problème. Cela permet de planifier une façon d’y remédier pour les prochaines cultures. Toutefois, par le temps que les symptômes visuels apparaissent chez la culture observée, il pourrait être trop tard pour corriger la situation.
Les carences en micronutriments ont tendance à apparaître avec une fréquence beaucoup plus élevée sur certains types de sol et dans certaines cultures (tableau 4).
Tableau 4. Conditions du sol qui peuvent mener à des déficiences en micronutriments pour différentes cultures.
Beaucoup de symptômes chez les plantes révèlent des déficiences en micronutriments. Le rabougrissement et la chlorose peuvent être dus à différentes causes comme la maladie, les insectes ou le dommage par un herbicide, ou encore les conditions environnementales. Les analyses du sol et de la plante sont deux outils utiles pour déterminer si la cause est vraiment d’origine nutritionnelle. Bien qu’elles soient adéquates à cette fin, les analyses de sol pour les micronutriments ne sont pas aussi précises que celles pour son pH, ses niveaux de phosphore et de potassium.
Les analyses de sol les plus fiables concernant les micronutriments sont celles pour le zinc, le bore, le cuivre, et le manganèse. Les interprétations étant spécifiques au sol, il est préférable d’utiliser des recommandations calibrées localement. Les analyses de sol pour le fer et le molybdène sont considérées comme peu utiles pour prévoir l’apport de ces éléments nutritifs dans les sols. Lors de l’échantillonnage pour déterminer les micronutriments, prélevez l’échantillon dans la zone des racines jusqu’à huit pouces de profondeur.
Les analyses des tissus de la plante sont plus fiables que celles du sol pour identifier beaucoup de problèmes liés aux micronutriments. Elles peuvent aussi compléter l’information obtenue des analyses de sol. Elles prennent toute leur importance dans les situations où il n’y a pas d’analyse de sol fiable. Toutefois, les niveaux en chlore et en molybdène ne peuvent être déterminés par cette méthode.
L’analyse du tissu des plantes peut être utilisée de deux façons. L’une consiste à surveiller le statut des micronutriments de la culture, l’autre à diagnostiquer une situation problématique. En quantifiant la teneur en nutriments des tissus, leur analyse peut mettre en évidence un problème existant ou potentiel avant que des symptômes visuels apparaissent.
Si l’on soupçonne des carences en micronutriments en cours de saison, des échantillons de tissu doivent être prélevés le plus tôt possible ; les traitements, le cas échéant, doivent être effectués en temps opportun. Les recherches ont montré que dès qu’une carence en micronutriments est détectée, la plante a déjà subi une perte de rendement irréversible.
Il importe de suivre les procédures d’échantillonnage fournies par votre laboratoire de diagnostic puisque la composition en nutriments de la plante varie selon plusieurs. Parmi eux, nommons la culture, l’âge de la plante, la partie de la plante retenue comme échantillon et d’autres facteurs. Afin d’obtenir un échantillon représentatif, prélevez plusieurs plantes dans des zones réparties de façon aléatoire sur l’ensemble de la zone du champ affecté. Évitez les plants en bordure du champ et ceux contaminés par la poussière, le sol ou les pulvérisations foliaires. La prise d’échantillons sur des plants en santé et sur d’autres malades permettra de comparer les résultats des analyses. Cela augmente l’utilité des analyses de tissus. Sachez qu’il est possible que l’interprétation des résultats exige l’avis d’un expert.
Il existe trois classes principales de fertilisants avec micronutriments : inorganiques, chélateurs synthétiques et complexes organiques naturels.
Les sources inorganiques consistent en des oxydes, des carbonates et des sels métalliques comme les sulfates, les chlorures et les nitrates. Leur grande solubilité dans l’eau et leur disponibilité pour la plante font des sulfates les sels métalliques les plus communs utilisés par l’industrie des fertilisants. Pour augmenter leur efficacité, les oxydes moins solubles doivent être finement granulés ou partiellement acidulés à l’aide de l’acide sulfurique pour former des oxysulfates. Les complexes d’hydroxyde d’ammonium métallique comme le sulfate de zinc ammoniacal se décomposent rapidement dans le sol. Ils offrent une bonne efficacité agronomique.
Les chélates sont des fertilisants dans lesquels le micronutriment est combiné à la molécule d’une substance organique pour accroître sa stabilité et son efficacité dans le sol. Les chélates comme les ZN-EDTA sont plus stables et plus efficaces pour corriger les déficiences en zinc que d’autres formes de Zn appliqué. Ces chélates synthétiques sont plus efficaces et moins variables que les complexes organiques naturels comme les lignosulfates, les phénols et les polyflavonoïdes.
Les meilleures méthodes d’application des micronutriments dépendent de l’élément et de la déficience à combler.
Application au sol pour la plupart des nutriments, si les déficiences sont connues en début de saison, l’application au sol est préférable à l’application foliaire. Les micronutriments appliqués en bande avec les engrais de démarrage au moment de semer sont habituellement plus efficaces sur une plus longue période que ceux appliqués sur le feuillage. Cette méthode permet aussi de rendre le nutriment accessible à la plante à la première occasion.
Les micronutriments appliqués au sol peuvent l’être aussi à la volée. Toutefois, une bande concentrée près de la plante permet l’utilisation de doses plus faibles d’un produit parfois couteux. Le manganèse devrait être appliqué en bande seulement, car la plupart des sols ont une grande capacité de le « fixer ». Toutefois, le bore ne devrait pas l’être puisque de grandes concentrations près de la graine peuvent être toxiques.
L’application foliaire est particulièrement utile pour certains éléments comme le fer qui ne sont pas utilisés avec efficience lorsqu’appliqués au sol. Cette méthode s’avère aussi utile pour une absorption rapide dans les situations urgentes lorsque les déficiences sont détectées ou dans les cas où d’autres matériaux sont pulvérisés. Comme pour l’application en bande, généralement les applications foliaires utilisent des doses plus faibles. Toutefois, il se peut que plus d’une application soit requise. Cependant, parce que la culture croît partiellement avant l’application foliaire, un dommage irréversible peut être déjà survenu avant que le nutriment requis soit appliqué.
L’application à large spectre de micronutriments n’est pas recommandée pour traiter la déficience d’un seul micronutriment, car elle est dispendieuse et potentiellement dangereuse pour la culture. Le préjudice peut être dû à des toxicités potentielles ou au fait que la présence de nutriments supplémentaires peut interférer avec l’assimilation du nutriment requis.
Que le produit soit liquide ou solide, appliqué en bandes ou à la volée, en présemis ou par voie foliaire, il importe de réaliser un schéma d’épandage uniforme pour corriger les carences.
1 Adapté de E. Truog. 1946. Soil reaction influence on availability of plant nutrients. Soil Science Society of America Proceedings 11, 305-308.
2 Adapté de W.F. Bennett (editor), 1993. Nutrient deficiencies and toxicities in Crop Plants, APS Press, St. Paul, MN.
3 Adapté de Tri-State Fertilizer Recommendations for Corn, Soybeans, Wheat and Alfalfa, Ohio State University. En ligne à : https://agcrops.osu.edu/FertilityResources/tri-state_info
Heckman, J.R., J.T. Sims, D.B. Beegle, F.J. Coale, S.J. Herbert, T.W. Bruulsema, et W.J. Bamka. 2003. Nutrient removal by corn grain harvest. Agronomy J. 95:587-591.
Kelling, K. 2005. Micronutrient management in the north-central US and Canada. University of Wisconsin, Madison. Presented at the llth Annual Southwest Agricultural Conference, Ridgetown, ONT.
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media/wysiwyg/Extensiondata/Pub/pdf/agguides/pests/ipm1016.pdf